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— Et Joachim serait capable de mettre en déroute le diable en personne, je sais ! Je ne vous cache pas que j’y songeais !

— On pourrait peut-être me demander ce que j’en pense ? intervint Lisa d’une voix plaintive.

À travers la largeur de la table, Aldo alla chercher la main de sa femme qu’il recouvrit de la sienne :

— Ne complique pas tout, Lisa ! Je suis persuadé que tu as déjà accepté. À présent, parlons de la raison de mon voyage : cette Eva Reichenberg qui est la seule piste que l’on m’ait donnée et qui me paraît fragile. D’abord, elle doit être morte depuis longtemps…

— Nous sommes contemporaines… et cousines. Éloignées, je l’admets mais cousines tout de même. Réfléchissez, Aldo ! Lisa ne vous aurait pas conseillé de venir me voir si elle pensait que je n’avais rien à vous apprendre.

— C’est vrai ! Je vous demande pardon ! Ainsi, vous la connaissez. Quelle chance ! Et vous savez où elle habite ?

— Ici. À Vienne ! Mais ne vous réjouissez pas trop vite : elle est folle depuis des années.

— Oh, non !

— Oh, si ! Quand elle a appris que l’empereur Maximilien avait été fusillé, elle a tenté de se suicider par pendaison. On l’a sauvée de justesse mais sa raison a été atteinte et, sans avoir sombré complètement dans la démence, elle a eu besoin depuis d’une surveillance quotidienne...

— Elle est internée ?

— Pas au sens où vous l’entendez. Sa famille est extrêmement riche et elle vit quasiment internée dans une propriété qui lui appartient. Elle a toujours été un peu… exaltée, vous savez. C’est à son premier bal à la Hofburg qu’elle s’est éprise de celui qui n’était encore que l’archiduc Maximilien. Il faut avouer qu’il était charmant et qu’Eva n’était pas la seule dans ce cas mais, ce soir-là, elle a dansé avec lui et en est restée à jamais captive. Inutile d’ajouter que le mariage avec Charlotte de Belgique l’a mise d’autant plus en fureur qu’elle avait l’impression de ne pas être indifférente à son prince, et elle a voué dès cet instant à la nouvelle archiduchesse une haine farouche. Sa fortune et l’inertie maternelle le lui permettant, elle s’est attachée aux pas du couple, vivant comme eux, à Milan, à Venise et à Trieste le plus près possible du château de Miramar. Ensuite, quand ils ont accepté d’aller régner sur le Mexique, elle s’y est rendue avant eux. Pour quoi faire ? Je ne sais pas… J’avoue n’avoir jamais essayé de savoir, Eva ne m’inspirant pas une sympathie particulière. Tout ce que j’ai appris par les potins de cour, c’est qu’elle résidait encore au Mexique lorsque l’impératrice Charlotte en est revenue chercher du secours auprès du pape, de Napoléon ni et de François-Joseph son beau-frère, jusqu’à ce que l’oncle d’Eva, inquiet du sort de sa sœur et de sa nièce, fasse le voyage pour les chercher et les ramener à Vienne. À la suite de quoi, la mort de Maximilien a déclenché la crise dont je vous ai parié et la décision de tenir désormais la jeune femme sous étroite surveillance. Quand je vous aurai dit que sa mère est morte quelques semaines après leur retour, vous en saurez autant que moi.

— Ce n’est pas très encourageant, soupira Aldo. L’avez-vous revue depuis qu’elle est rentrée ?

— Deux fois. La première au moment du décès de sa mère qui n’a pas paru l’émouvoir outre mesure et une autre fois, à je ne me souviens plus quelle occasion. Ce qui ne fait pas beaucoup en tant d’années, ajouta-t-elle avec un demi-sourire, mais j’avoue que, cette seconde fois, j’ai éprouvé une profonde impression de malaise qui ne m’a pas incitée à revenir… Cette femme dont la folie n’est pas toujours apparente n’est qu’un bloc de haine.

— Envers ceux qui ont exécuté Maximilien, je suppose ? dit Lisa.

— Non. Envers l’impératrice Charlotte qu’elle rend responsable des malheurs qui se sont abattus sur son héros. Elle sait que son ennemie est devenue folle elle aussi et ne cesse de s’en réjouir en se félicitant de l’avoir amenée à ce triste état.

— Comment cela ? fit Aldo. Elle se vanterait d’avoir occasionné la démence de cette malheureuse qui est morte il n’y a pas bien longtemps, il me semble ?

— Environ trois ans. Je confesse qu’à ce moment-là, j’ai éprouvé une vague envie d’aller voir Eva, mais j’ai réussi à y résister parce que je jugeais ce désir assez méprisable : une simple… mais peu glorieuse curiosité.

— Vous vouliez savoir si elle se réjouirait de la nouvelle ?

— Oui. Admettez que ce n’était guère élégant ? Pourtant, j’ai regretté après de ne pas y être allée… Et ce n’est pas plus honorable !

— Pourquoi ?

— Maria Kolinski, sa demi-sœur, m’a raconté que, loin de la réjouir, la nouvelle l’a mise hors d’elle : la mort a soustrait sa rivale à la malédiction qu’elle lui avait jetée, sans compter qu’à présent, elle a rejoint Maximilien. Ce qui oblige son entourage à redoubler de vigilance.

— Je trouve ça idiot, émit Lisa. À son âge et si elle est en si mauvais état, pourquoi ne pas la laisser échapper, elle aussi, à une existence pénible ?

— D’abord, elle n’est pas en « si mauvais état », comme tu dis. Ensuite, elle possède une belle fortune héritée de son père qui avait pris ses précautions. Ceux qui la soignent recevront à sa mort une coquette somme qui leur échapperait si le décès n’était pas naturel : autrement dit, si elle était assassinée ou, pis, si elle se suicidait. Pour ce catholique intransigeant, mettre fin soi-même à ses jours était le pire des crimes. Et elle a déjà fait une tentative…

Après l’avoir écoutée avec attention, Aldo garda le silence quelques instants :

— Il faut que je lui parle, dit-il enfin. C’est ma seule chance d’apprendre ce qu’elle a fait de ce damné collier. Pensez-vous qu’elle me recevrait ?

— Vous seul, non. Elle serait sûrement d’accord mais pas les gens qui la gardent puisque vous êtes un inconnu. Mais avec moi, oui, je pense…

— Alors, le plus tôt sera le mieux !

— Un instant, coupa Lisa. Comment penses-tu obtenir d’une malade mentale qu’elle te raconte comment et pourquoi elle a volé ces pierres ? Que vas-tu lui dire ?

— La vérité, tout simplement, et je vais me présenter pour ce que je suis : un homme qui recherche un joyau perdu… mais pour sa propre collection. Pour ce que j’en sais, je ne pense pas qu’elle serait sensible à l’idée qu’il s’agit de sauver une vie humaine.

La Hohe Warte, à l’ouest de Vienne, où se trouvaient les grandes serres Rothschild, était l’une de ces artères paisibles où les parcs des propriétés faisaient passer de la ville à la campagne sans solution de continuité. Qui la suivait se retrouvait dans les vignes fournissant les petits vins blancs aux « Heuriger (10) » de Grinzing, en route pour le mont Kahlenberg et la forêt viennoise.

Entourée d’un vaste jardin, la maison d’Eva Reichenberg accolait plusieurs pavillons carrés couronnés de terrasses à balustres sur lesquels se tordaient les branches capricieuses d’une glycine encore privée de ses fleurs. Sous le léger soleil apparu vers midi, l’ensemble donnait une impression de calme et d’harmonie propre à apaiser des nerfs malades. Les deux visiteurs n’y furent pas indifférents. Un valet en livrée bleue les accueillit, vite relayé par une forte femme habillée comme au début du siècle d’une longue jupe grise et d’un corsage blanc à manches amples et col baleiné, ses cheveux poivre et sel coiffés en brioche et le nez chaussé de lunettes, en qui l’on devinait sans peine une infirmière. Son sourire découvrit une denture bicolore où l’or alternait avec un blanc légèrement grisâtre. Elle répandait une vivifiante odeur de savon de Marseille :

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